La sociologue et ethnographe Liz Pullen a passé un mois à suivre le top 500 des utilisateurs de Twitter ainsi que les membres présents sur la liste des "utilisateurs suggérés" (suggested users). En suivant ces comptes, elle a pu étudier les comportements des nouveaux arrivants sur la plateforme et analyser le modèle que proposait Twitter pour les intégrer. Début juin, elle avait été interrogée par RWW sur les résultats de ses recherches.
Liz a identifié trois façon d'utiliser et de comprendre Twitter : comme un réseau d'information, comme une plateforme de microblogging, et comme un réseau social.
"Si on pense en terme de réseau social, l'important est de penser l'intégrer de nouveaux utilisateurs au réseau existant, et là dessus twitter échoue complètement"
Ce qu'elle a constaté est justement que les messages produits par les utilisateurs suggérés étaient avant tout unilatéraux (du "broadcast") ou égo-centrés ("qu'est-ce que vous pensez de ceci", "est-ce vous pouvez m'envoyer ça", etc.) et entretenaient l'illusion d'un dialogue. "Cela peut paraître naïf", accorde Liz, mais quelqu'un de nouveau attendra effectivement un feedback ou une interaction et espérera entrer en contact avec ces personnes, surtout si elles sont les premières à lui être présentées.
Sur les sites de réseaux sociaux comme au sein de communautés online traditionnelles, détaille Liz, il y a toujours une "phase d'apprentissage" au cours de laquelle les lurkers deviennent novice et les novice deviennent utilisateurs puis leaders, mais rien de tout cela n'a été prévu parce que Twitter n'est pas vu par ses fondateurs comme un site de réseau social : "les gens s'inscrivent, ont des célébrités à suivre et ne savent pas comment localiser d'autres personnes", explique-t-elle encore. Pour elle, le faible taux de rétentions des utilisateurs, qui avait été identifié plus tôt par Nielsen (cf. Les utilisateurs de Twitter ont du mal à suivre) , est clairement la conséquence de cet échec.
La chercheuse propose plusieurs solutions : un système de recherche dans les biographies des utilisateurs (pour pouvoir retrouver les personnes exerçant le même métier, ou partageant sa passion, c'est par exemple ce que propose tweepsearch.com) ou dans les adresses (pour retrouver les utilisateurs proches de chez soi (c'est là dessus que s'est fondé aka-aki par exemple, et ce que propose nearbytweets.com). Il est donc intéressant d'observer que ces applications existent déjà, reste à savoir si Twitter considérera qu'elles répondent à un véritable besoin.
Elle conclue : voir simplement Twitter comme un système de distribution d'information ou de suivi d'updates de célébrités le rend "remplaçable" (Les internautes s'inscrivent pour suivre la mouvance, mais ne sont pas assidus). Les gens qui considèrent l'outil comme un réseau social "sont ceux qui resteront le plus longtemps sur la plateforme", pour y retrouver leurs amis notamment. Avec un système d'intégration digne de ce nom, Twitter pourrait être capable de former des utilisateurs plus fidèles.
Pour l'instant, Biz Stone, fondateur de Twitter, ne semble pas encore avoir clairement tranché entre les deux orientations. Rappelons-nous ce qu'il avait déclaré dans une interview au journal Le Monde : "Twitter n'est pas un réseau social, mais un réseau de communication qui tisse des relations sociales")
En juillet, une nouvelle page d'accueil a vu le jour, redessinée pour "les gens qui sont nouveaux sur twitter.com" et privilégiant "l'apprentissage par l'expérience" (avec la mise en avant du moteur de cherche et des Trending Topics). Le système de suggestion d'utilisateurs, lui, n'a pas été modifié.
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